Pilote de guerre

Antoine de Saint-Exupéry

Gallimard, 222 pages

1942




Une chance sur trois d'en réchapper. Ce vol de reconnaissance au-dessus d'Arras alors que les troupes allemandes déferlent sur la France ressemble à une mission suicide, en pleine Débâcle.

Antoine de Saint-Exupéry,  s'est inspiré de son expérience de pilote, en mai 1940, au sein du groupe de reconnaissance 2/33, pour écrire ce roman en forme de plaidoyer.
 


Car si le texte relate l'expérience d'un vol d'abord à haute altitude puis à basse altitude au milieu d'un déluge de feu, et décrit les interminables colonnes de réfugiés jetés sur les routes, il se veut aussi témoignage de l'attitude héroïque de l'armée française dans la Blitzkrieg menée par l'armée allemande.

 "Ces jours-ci, à l'heure où l'opinion étrangère jugeait insuffisants nos sacrifices, je me suis demandé, en regardant partir et s'anéantir les équipages: "à quoi nous donnons-nous, qui nous paie encore?"
Car nous mourrons. Car cent cinquante mille Français depuis quinze jours sont déjà morts. Ces morts n'illustrent peut-être pas une résistance extraordinaire. Je ne célèbre point une résistance extraordinaire. Elle est impossible. Mais il est des paquets de fantassins qui se font massacrer dans une ferme indéfendable. Il est des Groupes d'aviation qui fondent comme une cire jetée au feu.
Ainsi du groupe 2/33, pourquoi acceptons-nous encore de mourir. Pour l'estime du monde? Mais l'estime implique l'existence d'un juge. Qui d'entre nous accorde à quiconque le droit de juger? Nous luttons au nom d'une cause dont nous estimons qu'elle est cause commune. La liberté, non seulement de la France mais du monde, est en jeu".


Le roman s'achève en une longue digression sur ce que Saint-Ex considère comme les origines morales et philosophiques de la défaite.

"Or si j'ai conservé l'image de la civilisation que je revendique comme mienne, j'ai perdu les règles qui la transportaient. Je découvre ce soir que les mots dont j'usais ne touchaient plus l'essentiel. Je prêchais ainsi la Démocratie, sans soupçonner que j'énonçais par là, sur les qualités et le sort de l'homme, non plus un ensemble de règles, mais un ensemble de souhaits. Je souhaitais les hommes fraternels, libres et heureux. Bien sûr. Qui n'est d'accord? Je savais exposer "comment" doit être l'homme.- Et non "qui" il doit être".

Il est intéressant de noter que comme L'espoir, de Malraux, Pilote de guerre a été publié alors que l'auteur ne connaissait pas l'issue de la guerre (1942). Et comme L'espoir, il est question d'aviation.

Antoine de Saint-Exupéry, qui publiera le Petit prince un an plus tard, disparaîtra en Méditerranée, le 9 août 1944 au cours d'une autre mission de reconnaissance.

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