Il ne m'est rien arrivé

Lionel Duroy

Mercure de France, 192 pages

1994




Ce récit est un long périple à travers la guerre de Croatie et celle de Bosnie au cours de l'automne 1993. La Yougoslavie vient d'éclater sous les coups de butoir des nationalistes et la volonté de Belgrade de construire une grande Serbie.
Lionel Duroy, journaliste et romancier, part à la découverte de cette guerre qui a jailli au coeur de l'Europe alors que venait de tomber le mur de Berlin.


 De Zagreb à Dubrovnik et Vinkovci, de Belgrade à Banja-Luka et Mostar, il arpente la Croatie, la Serbie et la Bosnie ainsi que les entités sécessionnistes qui ont éclos ici ou là, qu'il s'agisse de la République serbe de Krajina, en Croatie, ou de la Republika serpska et de l'Herceg Bosna en Bosnie.

Ce long périple de plusieurs jours et plusieurs centaines de kilomètres permet à l'auteur de revenir pratiquement en son point de départ et d'observer du haut de la montagne, d'un côté de la ligne de front, la ville qu'il a traversée quelques jours plus tôt et qui est sous le feu des assaillants. Ce texte clair est un instantané saisissant de ce que fut la désintégration de la Yougoslavie. Il permet de comprendre ce conflit, non dans ses origines, mais dans son quotidien. Celui des civils qui peuplent la ligne de front et les villes dévastées.

"Nous sortons du tunnel. Alors brusquement nous marchons dans la guerre. Les maisons n'ont plus de toit. Certaines ont été frappées en pleine façade et sont tombées à genoux, couvrant la rue de leurs tuiles éclatées, de leurs poutres désarticulées. D'autres ont été projetées sur l'arrière, vers les jardins que l'on devine aux arbres couchés. Celles-là offrent leurs entrailles déchirées par le souffle, parfois en partie calcinées. Nous voyons des baignoires suspendues dans le vide, des lits d'enfants broyés sous des pans de murs, des livres souillés, écartelés; nous reconnaissons des lambeaux de draps ou de rideaux, des restes de lustres et de vaisselles, des vêtements de femmes, des chaussures, des choses intimes de la maison.
Quelquefois des hommes ont eu le temps de déblayer la rue, d'autres fois pas. Nous marchons dans ce désastre. Nous ne croisons personnes." (page 23)

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