Robert Mitchum ne revient pas

Jean Hatzfeld
Gallimard, 233 pages
2013




Brillante reconstitution du siège de Sarajevo, Robert Mitchum ne revient pas est un roman de guerre et d'amour qui plonge le lecteur, à la fois dans la guerre de Bosnie, et plus particulièrement au beau milieu du siège de Sarajevo, mais  aussi dans l'univers des tireurs sportifs de haut niveau.

Avril 1992, Vahidin et Marija sont amoureux et se préparent activement aux jeux olympiques de Barcelone. Ils vivent à Illidza, une ville à moins de dix kilomètres de Sarajevo, mais la guerre survient et les sépare. Athlètes, spécialistes du tir à la carabine, ils se retrouvent de part et d'autres du front, Vahidin dans Sarajevo, Marija à l'extérieur. Les circonstances du conflit les amènent à se battre comme snipers. (..)


Zastava, Dragunov et autres fusils de précision


Jean Hatzfeld reconstitue la vie à Sarajevo et autour, en ces temps meurtriers. Les check-points, les
Admira Ismic et Bosko Brkcic
bombardements, les courses folles sur snipers alley, les miliciens...

Et il s'inspire de ce qu'il a connu. Car Jean Hatzfeld a été correspondant de guerre pour le journal français Libération. Il est arrivé à Sarajevo dans les premiers jours d'avril 1992, tout juste après le début du conflit (6 avril). Il a été blessé en juin, est retourné dans la cité assiégée en 1993 jusqu'à la fin du conflit en 1995. Il est donc l'un des rares journalistes a avoir couvert la guerre du début à la fin du conflit.
Outre ses reportages, il a écrit le récit de ses reportages, L'air de la guerre dans lequel on retrouve certaines des scènes de Robert Mitchum, comme le mariage sur la Zagorska ou encore le meurtre des amants du pont Verbanja, Admira et Bosko, surnommés Roméo et Juliette de Sarajevo.


Pazi Snajper, Attention sniper (Sarajevo)

Jean Hatzfeld fut aussi journaliste sportif. C'est lui qui en 1974, a créé les pages sport de Libération. Dans son roman, il décrit avec grande connaissance le travail des tireurs, qu'ils soient sportifs ou snipers. Les deux se confondent. L'armement est décrit avec méticulosité, les fusils de guerre, Zastava ou Dragunov, ou les carabines de compétition, Feinwerkbau ou Anschütz. Mais aussi les positions du corps, les techniques de contrôles, la respiration. Dans ce registre, ce roman n'est pas sans rappeler La perfection du tir de Mathias Enard.

Le lecteur est plongé dans Sarajevo assiégée, à Lukavica, Dobrinja le village olympique de 1984, Bascarsija le vieux quartier ottoman, Grbavica sur les bords de la rivière Miljacka, ou encore le cimetière juif, sur les hauteurs de la vieille ville. (voir la carte ci-dessous).

Jean Hatzfeld
Ce roman peut-être un peu trop documenté parfois, bénéficie d'une intrigue bien construite qui tient en haleine jusqu'aux dernières pages.

Après les reportages et les récits, les romans


C'est la troisième fois que Jean Hatzfeld écrit sur Sarajevo et la guerre de Bosnie. La première fois en tant que correspondant de guerre. La deuxième fois en tant qu'écrivain racontant le récit des reportages du premier. Et enfin comme romancier avec La guerre au bord du fleuve et aujourd'hui, Robert Mitchum ne revient pas.

Interviewé en septembre 2013 par le quotidien régional Les Dernières Nouvelles d'Alsace, sur ces étapes successives d'écriture, il explique:

"Un roman, peut-être, d'une manière un peu imprécise, c'est le désir de revenir sur des moments qui ont été absents de ces reportages, sur des gens que j'ai pu laisser en chemin, des personnes que j'ai pu rencontrer  et que je n'ai pas fait vivre dans les reportages. une manière de reconstituer ses souvenirs. On part de ses souvenirs, ils sont troublés par le temps, et on reconstitue l'histoire autrement."

Jean Hatzfeld a également beaucoup écrit sur le génocide rwandais avec la trilogie Dans le nu de la vie, Une saison de machettes et La stratégie des antilopes.

Pour plus d'informations notre page spéciale sur la guerre de Bosnie est consultable ICI avec des cartes pour mieux comprendre et une bibliographie.
Le siège de Sarajevo en version schématisée réalisée par les étudiants en architecture de la ville. Les forces serbes sont tout autour de la ville (la vieille ville est à droite). En bas à gauche, l'aéroport géré par les casques bleus (sous lequel passe un tunnel à partir du printemps 1993), au centre, l'avancée des forces serbes dans le quartier de Grbavica. En haut, le stade olympique qui accueillit la cérémonie d'ouverture des jeux olympiques d'hiver de 1984. Figurent également, Sniper alley, la rivière Miljacka, l'hôtel Holliday Inn, le bâtiment du journal Oslobodenje, les sites de bombardements les plus meurtriers et, matérialisées par des cercles rouges, les principales zones balayées par les snipers.

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