Limon

Didier Desbrugères
Gaïa, 211 pages
2014


Limon, ce recueil de cinq nouvelles propose une vision diffractée de la guerre dans les tranchées pendant la première guerre mondiale. Il n'est pas tant question ici d'assauts et de combats, mais plutôt du quotidien des soldats mais aussi des familles à l'arrière (...)


D'ailleurs le texte d'ouverture, intitulé Les anges noirs, décrit la vie des femmes restées à l'arrière, s'occupant de la ferme, des travaux agricoles et de l'annonce des décès des soldats. Didier Desbrugères décrit en effet, dans un style réaliste les scènes saisissantes des veuves, habillées en noirs, qui s'avancent vers celles des maisons touchées par le décès d'un fils ou d'un frère. Des maisonnées qui ont eu le temps de se faire à l'idée de la mort après plusieurs jours sans courrier déposé par le facteur:

"Dans les salles de ferme, on attendait. On notait les maisons que sautait la tournée du vieux préposé. Au bout d'une quinzaine, cet ostracisme devenait inquiétant. L'absence de lettre était signe de mauvais augure."

Limon, la terre qui colle aux chaussures


La nouvelle la plus saisissante est celle qui a donné son nom au recueil, Limon. L'auteur excelle à décrire et mettre en scène, dans un style naturaliste, voire champêtre, le lien qui unit les hommes et la terre. A l'image de Gabriel, un jeune métayer, obligé de quitter la terre qu'il cultive, et sa jeune épouse, pour l'uniforme bleu horizon.

Le limon, cette terre qui colle aux chaussures, celle qu'il prend dans la main pour y respirer une infime odeur, "de taillis, de ruisseau, d'air, de tout". Cette terre aussi dans laquelle il va vivre, des semaines et des mois, entre les murs des tranchées, patauger dans la boue, manquer de s'y noyer et y finir inhumé comme des millions d'autres.

Desbrugères raconte la guerre à hauteur des hommes et des femmes, c'est la guerre intime vécue au plus profond des êtres, chaque minute, chaque seconde.

Ne penser qu'aux morts à en négliger les vivants


La dernière des cinq nouvelles Rémanence, se penche sur ces contrées marquées au plus profond de leurs paysages par la guerre et les offensives meurtrières. Et ce personnage qui, plus de trente années après les combats, ne voit que les traces du passé, ne pense qu'aux morts à en négliger les vivants, pourrait bien avertir le lecteur et l'inciter à prendre garde à l'avalanche de commémorations et au trop plein de célébrations qui s'annoncent avec le Centenaire de 14-18.

Didier Desbrugères est né en 1960 et vit en Bretagne. Il est l'auteur de deux romans dont Le délégué (Gaïa, 2010). On peut l'entendre dans une interview réalisée avec son éditrice, Evelyne Lagrange, responsable éditoriale du domaine français chez Gaïa.



On notera pour la petite histoire que la couverture de Limon est très proche de celle de Cris, de Laurent Gaudé, publié chez Actes Sud en 2001.








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire