Les sept dernières plaies

Georges Duhamel
Mercure de France, 304 pages
1928






Les sept dernières plaies est une succession de souvenirs romancés de la première guerre mondiale, uniquement axés sur l'aide médicale aux blessés. L'auteur Georges Duhamel s'est inspiré de son expérience de médecin aide-major dans les unités chirurgicales pendant la guerre de 14-18.

Point de combats, de descriptions d'attaques ou d'offensives, mais le récit de la guerre vue de l'arrière ou tout du moins depuis les antennes chirurgicales et hôpitaux du front, où viennent souffrir et mourir les soldats blessés (..)

Empathie pour les blessés et portraits corrosifs pour les planqués


Georges Duhamel déploie une écriture d'une grande finesse et d'une violente acuité pour moquer les vieilles badernes et les planqués de l'arrière, comme ce colonel Piâtre, blessé au bras lors d'une retraite, et qui prend ses aises dans sa chambre d'hôpital pendant des mois. Il se plait à terroriser les infirmiers mais ne craint rien moins que de retourner au front. Portrait corrosif également de la richissime baronne de Grünlich qui vient distribuer des poupées de veuves de guerre aux blessés.

Lithographie de Berthold Mahn


Georges Duhamel joue des contrastes, et à ces planqués de l'arrière, carriéristes ou déconnectés des réalités de la guerre, il oppose l'humanité et la souffrance des soldats blessés au front, qui souffrent de cruelles blessures. L'auteur consacre un chapitre aux gueules cassées et à leur souffrance dans des termes d'une grande empathie (une thématique traitée bien plus tard par Marc Dugain dans La chambre des officiers). C'est la figure tragique du Poilus, martyre jusque dans la salle d'opération et dans son lazaret, comme Barouin, qui attend la fin du mini concert improvisé pour mourir, ou encore le jeune Choquet, « le dernier », qui souffre de longues journées après l'armistice, quand tous les autres blessés sont progressivement évacués.

Le quotidien d'un chirurgien de guerre en ces temps de grande boucherie


Georges Duhamel décrit les grandes plaines de Champagne, dans cette série de tableaux d'une grande empathie. On y croise également une unité de soldats noirs et l'auteur ne fait pas l'économie des préjugés racistes de l'époque.
Lithographie de Berthold Mahn

L'auteur donne enfin à voir le quotidien d'un chirurgien en ces temps de grande boucherie, opérant un premier blessé pendant qu'on endormait un deuxième à proximité. Et la première opération achevée, il passe à la deuxième.

« A peine avais-je le temps de poser, à chaque homme, les quelques questions indispensables et de l'instruire en deux mots de ce que je comptais lui faire. J'allais donc d'une table à l'autre, avare de temps et de gestes. Et les heures passaient ».

Empathie et profonde humanité


Mais c'est l'empathie qui marque Les sept dernières plaies, (une référence à l'apocalypse de Saint Jean). De l'empathie mais pas forcément de la camaraderie comme on peut en trouver dans les Croix de bois par exemple de Roland Dorgelès (Chroniqué dans ce blog). Probablement eu égard à la position du médecin, qui garde une autorité sur le patient. Mais de l'empathie et une profonde humanité pour les hommes blessés.

« Hélas! J'ai rencontré la haine; mais ailleurs, loin de ces campagnes tonnantes, loin des flammes et de la colère du combat; J'ai entendu des cris de haine: ceux qui les proféraient se trouvaient presque toujours éloignés de l'action, de la souffrance et du péril. Voulaient-ils donc donner le change? Cherchaient-ils des excuses, Espéraient-ils remplir, avec ces clameurs, le vide de leur existence et de leur âme? Croyaient-ils faire oublier leur inefficacité? Je ne sais pas. A coup sûr, ils étaient à plaindre. Comment, en regardant leur grimace furieuse, comment ne point songer au bel et mâle visage du jeune Cerné avouant, comme Goethe, avouant, à l'heure même de la mort: « moi je ne hais point. »

J'ai, de 1914 à 1919, soigné, aimé, plusieurs milliers de blessés. Aucun n'a prononcé devant moi une véritable parole de haine. Et tous m'ont marqué tant d'affection que, si la haine avait rempli leur coeur, je dois croire qu'ils ne l'eussent point celée. J'offre ce témoignage, sûr qu'ils n'en feront aucun profit, aux gens qui écrivent l'histoire.

Les paroles que l'on prête si généreusement aux morts ne valent pas les aveux des vivants. »

Georges Duhamel est l'auteur d'une bibliographie dense. Il est également l'auteur d'une conférence, en décembre 1920, sur la guerre et la littérature, dans laquelle il énonce la théorie de la littérature de témoignage pour parler de ces romans écrits par ceux des écrivains qui ont vécu la guerre.

Les illustrations sont des lithographies de Berthold Mahn, un proche de Georges Duhamel. Elles figurent dans l'édition des Sept dernières plaies parue en 1933 aux éditions Les oeuvres représentatives.


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